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mimifantomas85
10 février 2010

La sainte lessive

1983. La date n’évoque plus grand-chose, pas d’évènement majeur sauf la naissance de ma sœur mais j’étais bien petit pour m’en souvenir. Non, cette date est revenue comme un boomerang au cours de ces dernières semaines, la cause d’un silence littéraire involontaire qui n’aura duré qu’un temps. En 1983, j’avais 4 ans, j’étais en vacances dans cette maison au bord du bassin d’Arcachon, cette maison si grande avec sa cour en dalle rouge, ses carreaux blancs dans la salle à manger, ces chambres éparpillées et dont le style était différent, cette cour en béton où trônait un baby-foot sur lequel je passais des heures avec un oncle disponible et toujours joyeux, ce garage rempli d’outils dont je ne savais pas me servir mais qui me fascinaient tant ils étaient nombreux, ce jardin coincé entre la maison et un autre garage et qui faisait la fierté d’un grand père alors vigoureux et attentif, ces tomates bien mûres, ces salades bien développées et ses haricots verts qui ne demandaient qu’à être ramassés, ce poulailler sur le côté de la cour, avec cette petite porte qui donnait accès à un espace clos dans lequel on récupérait les œufs, ces poules dont j’aimais à penser qu’elle me répondait lorsque je leur parlais, à qui j’ai du confier bien des secrets et autres remarques mais qui restaient, bizarrement, sans réponse, ce chemin de terre parsemé de ronces et qui menait à des cabanes d’ostréiculteurs dans lesquelles les filets de pêche s’entassaient, ce ponton sur lequel je n’osais pas m’aventurer seul et qui donnait sur ce bassin dont l’odeur suffisait à me faire dormir comme une masse les premiers jours de mes vacances, ce bâteau dans lequel nous allions parfois nous promener en famille, ce chien, labrador noir, si gentil et si intelligent qui venait nous voir souvent, cette voisine qui s’appelait Nathalie, très jolie et avec laquelle j’aimais jouer et puis enfin cette cuisine dans laquelle tu ne cessais de t’activer, tout en longueur avec cette grande table marron, ce poste de radio à côté duquel j’aimais me poster pour écouter la musique, et cette machine à laver qui me fascinait tant. Large, imposante, pas très haute, avec une vitre sur le dessus, un bouton orange pour la mise en marche, de la marque Brandt avec ses 12 programmes. Elle était souvent recouverte d’un large torchon afin que l’on puisse poser des choses dessus, pratique puisqu’elle était à côté du frigo. Lorsqu’il fallait s’en servir, le cérémonial était un vrai plaisir : enlever ce torchon, ouvrir la porte, mettre le linge, puis ensuite la lessive dans le bac situé juste devant le tambour, verser le bouchon de soupline dans le compartiment situé sur le côté de la porte, refermer la porte après avoir bien verrouiller le tambour à l’aide d’une trappe coulissante, choisir le programme en tournant le bouton central et puis ouvrir l’eau. Le plus souvent, je m’arrêtais là car il fallait attendre 22H l’hiver et 23H l’été, début des heures creuses, pour appuyer sur ce bouton orange qui la mettait en marche. Elle commençait alors à se remplir et le cycle pouvait se dérouler. Encore petit, il était bien rare pour moi de pouvoir assister à un programme complet mais parfois c’était le cas alors je restais seul dans cette cuisine, pendant que mon grand père, juste derrière la porte, regardait la télévision dans le salon et que ma grand-mère dormait déjà. J’assistais alors aux essorages qui me faisaient un peu peur car la machine bougeait un peu et donc j’avais, par précaution, une main sur la poignée de la porte au cas où elle me foncerait dessus (on n’est jamais trop prudent). Cette vitre permettait de voir le tambour tourner, avec de la mousse en mode lavage et bien sûr l’eau qui jaillissait en mode essorage en raison de la vitesse. C’était un moment de plénitude pour moi et il n’était pas rare, non plus, que depuis ma chambre, dans le noir, en catimini, je me lève afin d’écouter le bruit à la porte, frustré de ne pouvoir assister à ce spectacle dont j’ai toujours ignoré qu’il me fascinait.

Tout ça, c’était en 1983, il y a 27 ans. Aujourd’hui, février 2010, j’ai fait un bond dans le passé. Alors que ce 8 février nous fêtions la Saint Jacqueline, j’ai eu une pensée pour toi ma mamie car c’est comme si je t’avais fait revivre à travers un symbole qui, pour moi, représente beaucoup : oui, j’ai acquis le mois dernier une réplique, presque exacte, de la machine dont tu te servais. Ce bruit, ces odeurs, ses sensations, je les revis depuis un mois, voilà pourquoi je me suis éloigné un temps de l’écriture afin de replonger dans mon passé avec toi. Projet un peu fou qui t’aurais fait sourire, je n’en doute pas, mais qui me tenait à cœur. J’ai réussi, 4 ans après ton départ, à acquérir ce qui restera longtemps pour moi comme le symbole de vacances insouciantes et d’un amour absolu et partagé. Depuis un mois, je suis retombé en enfance, j’ai un peu délaissé d’autres occupations mais je n’en ai pas pour autant oublier l’essentiel. Ma vie continue avec son lot de fatigue, de contraintes, de très bons moments, de rencontres intéressantes, de joies aussi, de partage, de déception mais je trace toujours mon sillon en ayant à mes côtés, désormais, un petit bout de toi. Un morceau certes inanimé la plupart du temps mais qui lorsqu’il fonctionne me rappelle tant de choses, tant d’images, tant d’odeurs, tant de sensations qu’en ce 8 février 2010, j’ai cru, l’espace d’un instant, que tu viendrais me serrer dans tes bras pour me dire qu’il est temps d’aller au lit.

Ce 8 février 2010, j’avais 4 ans, comme en février 1983…

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Commentaires
F
coucou les filles<br /> merci ma petite hélène pour ton gentil message...ça me touche beaucoup...moi aussi je suis ému à chaque fois que je fais une lessive maintenant ! rires...<br /> Christine, je note précieusement ton idée mais tu sais j'y ai pensé souvent à vrai dire !!!!<br /> énormes bises à toutes les 2 et merci de votre fidélité !<br /> FG
H
J'étais très émue à la lecture de ce post ! C'est très joli, ce que tu dis ! J'espère que tu vas bien. Bisous
C
Depuis le temps que tu en parlais, que tu la cherchais, que tu la voulais CETTE machine : te voilà heureux et c'est tant mieux ! Pourquoi ne créerais-tu pas des espaces "machine-à-laver littéraire" ? Vous vous retrouvez chez les uns et les autres pour admirer vos machines respectives en parlant de vos diverses lectures. Rien à voir avec les laveries traditionnelles. Tu pourrais joindre tes 2 passions et les partager avec d'autres. D'autres bien "malades" comme toi mais finalement si gentils et attendrissants dans leur délire . . . <br /> Bises.
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